Dans un article de la revue Esprit daté de janvier 1975 et intitulé « Il n’y a jamais eu d’Occitanie », Henri-Irénée Marrou s’adresse en ces termes à « l’Occitan » Robert Lafont : « Le poète provençal que j’aurais pu être est devenu un historien français et un membre de la communauté scientifique internationale. (…) Occitan, je le suis autant que vous, solidement enraciné dans le Diois et le Gapençais (…) J’ai connu avant vous la tentation nationaliste, essayant de me faire une culture à partir des troubadours, (…) de la chanson populaire, du folklore ; (…) mais cet effort un peu désespéré ne payait guère (…) Je vous accorderai seulement que si la vocation poétique l’avait emporté en moi sur la vocation scientifique, je n’aurais peut-être pas renoncé si vite à l’occitan, – mais l’adulte ne réalise jamais qu’un pourcentage infime de nos ambitions d’adolescent. »
Témoignage émouvant des ambitions d’adolescent de Marrou, un trésor poétique puisé à la source de sa Provence natale et intitulé Lou Libre de Jouventu (1920-1931), a été exhumé des archives familiales et confié à Luc de Goustine, Président de l’Association Carrefour Ventadour, dans l’espoir que ce recueil fasse l’objet d’une étude.
Nul, mieux qu’un universitaire spécialiste de la littérature occitane classique et contemporaine comme l’écrivain Philippe Gardy, ne pouvait traduire et éditer ces vers pleins de sensibilité et replacer dans la mouvance culturelle foisonnante du premier XXe siècle le jeune Provençal qui, oscillant du Marseille des Félibres au Toulouse des Jeux floraux, fut un moment tenté de suivre la haute tradition des troubadours et, tout au long de sa carrière savante, fit de ce souvenir en quelque sorte “son trésor secret”.